Frontière sous-marine

Financé par l’Union européenne, le projet minier sous-marin ¡VAMOS! a pour but de trouver les moyens d’accéder aux minéraux inexploités dans des mines européennes abandonnées et submergées. Leur valeur est estimée à 100 milliards d’euros.

Pendant des siècles, les gisements ont été activement exploités en Europe et les plus accessibles sont le plus souvent épuisés. Les filons à plus grande profondeur n’ont pas encore été complètement prospectés car, pour cela, il faudrait creuser très profond, dans des petits gisements ou près de zones habitées où il n’est pas envisageable de mener une grosse activité minière. On estime la valeur des ressources minières inexploitées d’Europe gisant de 500 à 1 000 m de profondeur à environ 100 milliards d’euros. ¡VAMOS! (Viable Alternative Mine Operating System) tente de trouver de nouveaux moyens d’accéder à ces ressources et de permettre l’excavation et la réhabilitation des gisements inexploités et abandonnés de minéraux stratégiques, en particulier ceux cachés sous l’eau. « L’objectif de ¡VAMOS! est très simple, explique Jenny Rainbird, chef de projet au cabinet-conseil scientifique BMT, coordonnateur du projet. Il s’agit de construire un prototype grandeur nature d’engin minier sous-marin avec ses équipements auxiliaires de mise à l’eau et de récupération et de prouver que le concept d’extraire du minerai dans des mines à ciel ouvert terrestres noyées est viable et réalisable sur le plan économique. » Depuis son siège de Londres, BMT administre le projet, auquel participe un consortium de 17 partenaires originaires de neuf pays européens. Le coup d’envoi a été donné en février 2015 pour une durée de 42 mois. En juillet 2018, Jenny Rainbird et son équipe devraient être en mesure d’en présenter les résultats. Certains sont déjà concrets. Un prototype d’engin minier submersible a été construit à Newcastle upon Tyne, au Royaume-Uni, par Soil Machine Dynamics (SMD), entreprise spécialisée dans les robots sous-marins. Le bateau de mise à l’eau et de récupération sortira du chantier naval du Damen Shipyards Group aux Pays-Bas et le système de géolocalisation et de navigation est mis au point par l’INESC, l’Institute for Systems and Computer Engineering, à l’Université de Porto, au Portugal, en collaboration avec ses partenaires ZfT et FEMU. Sandvik Mining and Rock Technology fournit les outils d’extraction et le châssis du prototype.

« Il aurait été impossible, à mon avis, de mener un tel projet sans une coopération internationale, estime Jenny Rainbird. Tous les partenaires possèdent une expertise de pointe dans leur domaine. Ainsi, les capteurs fournis par l’INESC et les connaissances en matière de réalité virtuelle apportée par le spécialiste de la bathymétrie BMT… Tout cela a été nécessaire pour construire un engin manœuvré depuis la surface. » Un robot sous-marin tournera autour de l’engin minier et recueillera des informations pour livrer un bilan complet de ce qui se passe sous l’eau. « La mise au point de cette nouvelle technologie de détection pourrait être le volet le plus important de ce projet, poursuit Jenny Rainbird. Sous l’eau, la visibilité est nulle car les fines particules produites par l’extraction troublent l’eau. »

Le projet ¡VAMOS!

Le projet ¡VAMOS! fait partie du programme-cadre Horizon 2020 de l’Union européenne, le plus grand programme de recherche et d’innovation financé par l’UE et doté de 80 milliards d’euros disponibles sur sept ans (2014-2020). Son objectif est de protéger la compétitivité de l’Europe, stimuler la croissance économique et créer des emplois en investissant dans des avancées technologiques et des premières mondiales en facilitant la mise sur le marché de grandes idées issues de la recherche. Le consortium ¡VAMOS! a reçu un financement pour son projet « exploitation minière de petits gisements complexes et extraction alternative » sous la référence 642477.

Trois des grandes entreprises impliquées dans ¡VAMOS!, soit Sandvik Mining and Rock Technology, Damen et SMD, ont déjà collaboré sur un projet minier sous-marin pour le compte de Nautilus Minerals à qui Sandvik a fourni les têtes d’abattage pour les premiers équipements miniers de grande profondeur au monde. « L’idée de ¡VAMOS! a été inspirée par Nautilus, qui est l’un des plus gros projets miniers sous-marins actuels, souligne Uwe Restner, responsable produits et ventes extraction continue et abattage mécanique dans la roche dure chez Sandvik. Étant donné que Sandvik veut poser des jalons pour le futur marché de l’exploitation minière sous-marine, nous tenions à participer à ¡VAMOS! car c’est un projet qui stimule l’innovation dans le secteur des équipements miniers. » Au départ, Sandvik ne devait fournir que les outils d’extraction, mais très vite, SMD lui a demandé de fabriquer le châssis pour l’engin minier sous-marin. « Nous avons fini par fournir toute la structure contenant le châssis, la tête d’abattage à l’avant et le système de stabilisation à l’arrière. » La fabrication a exigé de modifier profondément les produits standard. Quand bien même les partenaires travaillent dans des pays différents, ils n’ont rencontré que de rares difficultés techniques, rien de conséquence qui ne puisse être corrigé sur place. « La coordination technique a été délicate, mais le fait que de nombreuses nouvelles technologies sont impliquées est aussi un énorme avantage, poursuit Uwe Restner. ¡VAMOS! est la démonstration technique qu’on peut faire collaborer plusieurs sous-systèmes. Leur association donne un système minier fiable et commandé à distance avec plan d’évacuation intégré pour éviter toute perte d’équipement pendant l’opération. » En plus d’être un terrain d’essais pour les nouvelles technologies minières, le projet devrait donner bien d’autres résultats positifs. Par rapport à l’exploitation de mines à ciel ouvert, l’extraction de minerai sous l’eau n’entraîne que des coûts minimaux en matière d’enlèvement des déblais. Les coûts de dénoyage, de construction et de maintenance des barrières de protection sont aussi réduits au minimum. Et aucun rabattement de nappe ne vient porter atteinte aux eaux souterraines ou aux environs. « Il n’y aura pas de nuisances sonores dues aux tirs de mine, vibrations du sol, poussière et présence humaine, et la mise en place sera plus rapide et exigera moins de capitaux que dans le cas d’une mine souterraine. »

<p>Coupe transversale de la configuration du système s’il était installé dans une mine à ciel ouvert abandonnée dont les réserves restantes se trouvent à trop grande profondeur pour poursuivre l’exploitation. Le nouveau système permet d’y accéder.</p>

Coupe transversale de la configuration du système s'il était installé dans une mine à ciel ouvert abandonnée dont les réserves restantes se trouvent à trop grande profondeur pour poursuivre l'exploitation. Le nouveau système permet d'y accéder.

Le coût du projet ¡VAMOS! est estimé à 12,6 millions d’euros, dont 9,2 proviennent de subventions et le reste du consortium. Toutes les organisations impliquées espèrent un bon retour sur investissement. « C’est très difficile de calculer la rentabilité du projet car elle dépend fortement de l’avenir du marché des matières premières, fait valoir Marco Recchioni, conseiller à l’Agence exécutive pour les petites et moyenne entreprises de la Commission européenne. L’un des principaux avantages de disposer d’un programme de recherche commun comme celui-ci est de faciliter cette coopération entre les acteurs publics et privés dans le monde entier. Combler le fossé entre les résultats du projet et le marché est en général l’une des principales problématiques qui se posent à une initiative de recherche et d’innovation telle que ¡VAMOS!. Pour ce faire, l’Union européenne propose de nombreuses opportunités d’accompagnement. Par exemple, les actions pour l’innovation du programme Horizon 2020, l’EIT RawMaterials et le Fonds européen pour l’investissement. » Il est prévu de commencer à tester le dispositif minier ¡VAMOS! fin 2017 : les premiers essais auront lieu dans une mine de kaolin à Lee Moor, dans le Devon, au Royaume-Uni; les seconds dans un site à la roche plus dure, une mine d’hématite et de sidérose à ciel ouvert à Vareš, en Bosnie-Herzégovine. « L’un des autres aspects très positifs du programme de recherche Horizon 2020 est que chaque partenaire a la possibilité d’exploiter ses résultats comme il l’entend, ajoute Marco Recchioni. Cela peut entraîner une cascade d’effets positifs, accroissant la compétitivité et créant de nouveaux emplois non seulement dans les secteurs de l’exploitation minière et de la fabrication d’équipements, mais aussi dans tous les autres secteurs adjacents. » Jenny Rainbird partage cet avis : « Il existe un vrai potentiel dans les mines à ciel ouvert européennes pour les 20 minéraux les plus stratégiques dont l’UE ne produit que de faibles quantités, mais ce prototype peut aussi être très utile dans de nombreuses autres applications. Par exemple, les tunnels submergés, les mines d’eau contenant des gisements en sous-sol ou tous types de conditions dangereuses où un engin autonome rendra service. » Dans sa configuration actuelle, le prototype comprend une tête d’abattage à picots amovible, laquelle pourrait être remplacée par une pince pour des applications complètement différentes. « Le point fort de ce prototype, c’est qu’il est plutôt petit et très maniable. L’objectif n’a jamais été d’extraire des tonnes de tonnes, mais de sélectionner les matériaux les plus rares et les plus onéreux. »