Navigateur autonome
BAIE-JAMES, QUÉBEC. Le transport par camions souterrains automatisés a été mis en place dans une galerie dédiée à la mine d’or Casa Berardi, propriété de Hecla. Ce projet, le plus récent et le plus important de l’automatisation progressive du site, devrait permettre d’économiser plusieurs millions de dollars.
Il y a encore dix mois, Sonny Melancon n’avait jamais mis les pieds dans une mine. Il gérait un garage à La Sarre, à une centaine de kilomètres au sud de la mine aurifère Casa Berardi, propriété de Hecla, au nord-ouest du Québec. En décembre 2017, il est devenu l’un des premiers opérateurs commandant à distance le nouveau camion de transport automatisé de Casa Berardi. « Je voulais changer de métier. J’avais soif de nouveauté. Les planètes se sont alignées et me voilà. Je n’avais absolument aucune expérience de l’exploitation minière ou de l’automatisation. » Quant à la mine, elle accumule rapidement une réelle expérience en la matière depuis la démarche d’automatisation progressive entamée en 2015 peu après l’arrivée d’Alain Grenier au poste de vice-président et directeur général : « L’objectif fondamental de l’automatisation est de nous donner tous les moyens d’affronter le cycle financier. Notre but principal est de nous assurer que nous disposons d’une ressource qui dure longtemps. Il est évident que l’automatisation est l’un des meilleurs moyens d’atteindre cet objectif. » Alain Grenier, Ronald Durham, le surintendant général des opérations, et d’autres cadres dirigeants ont élaboré des projets visant à supprimer les freins à la production et accroître le débit. Le premier a consisté à automatiser le système de remontée du minerai par treuil pour renforcer la capacité. « À cette époque, c’était une mine uniquement souterraine, raconte Ronald Durham. Faire remonter le minerai à la surface était notre priorité. Parvenir à le faire au moment du changement de postes et de la dispersion des gaz libérés par les tirs de mine a été une petite réussite à laquelle nous sommes parvenus seuls et qui nous a inspirée pour la suite. »
Ensuite, la mine a éliminé une autre entrave à la production en automatisant ses installations de chargement puis en mettant en place la commande à distance, depuis la surface, des marteaux hydrauliques. « Quand on remporte trois succès, c’est facile d’en vendre un quatrième », lance Alain Grenier. Pour ce quatrième projet – la réduction de la flotte de camions souterrains, Casa Berardi a passé en revue le réseau de cheminées à minerai. « Nous avons élaboré de nombreux scénarios pour transporter le minerai avec plus d’efficacité, mais la plupart revenait trop cher », déplore Ronald Durham. En fin de compte, Casa Berardi a étudié cinq solutions pour améliorer le roulage.
Casa Berardi mine
La mine Casa Berardi a produit 1,9 million d’onces d’or depuis son ouverture en 1988. Ses réserves d’or sont estimées à environ 1,34 million d’onces. Hecla l’a acquise en rachetant Aurizon Gold en 2013. Quelque 60 % de la production provient du sous-sol et 40% d’une fosse à ciel ouvert exploitée depuis 2016. La mine a produit 156 600 onces d’or en 2017 et devrait en produire 160 000 en 2018. Elle emploie environ 900 salariés.
Le passage au transport par camions sans conducteur tentait la direction du site qui a fait le voyage jusqu’à la mine Williams, propriété de Barrick, pour voir les camions automatisés Sandvik à l’œuvre. « Là-bas, on nous a dit que c’était une erreur d’avoir une liaison avec la galerie d’accès, souligne Alain Grenier. On nous a conseillé de n’avoir aucune liaison avec la descenderie. » Le projet de galerie automatisée 985 de Casa Berardi a vu le jour peu après cette visite.
Investissant 15 millions de dollars, la mine a aménagé un réseau composé d’une galerie et de cheminées à minerai et à stérile dédiées et équipées de chutes à commande automatique. Elle a également construit à la surface un tout nouveau centre de commande pour y installer les opérateurs. « Dédier une galerie et des chutes représente une dépense d’investissement considérable », fait valoir Alain Grenier. Ronald Durham ajoute : « Nous procédons sans cesse à des calculs pour rentabiliser ces projets. En ce qui concerne les matériaux à transporter chaque année, nous nous sommes rendu compte que les camions automatisés de Sandvik seraient notre meilleure option pour les deux ans à venir. Et ils ne feront que s’améliorer tout au long du reste de la durée d’exploitation de la mine. L’opération se rentabilise au bout de deux ans. » La mine a nommé son ingénieur électricien Dave Descôteaux à la tête du projet, une décision cruciale pour assurer une mise en route dans les délais et le budget impartis, affirme Alain Grenier. « Les défis ont été nombreux mais le projet a aussi été passionnant, reconnaît Dave Descôteaux. L’une des principales difficultés rencontrées a été les dimensions de la galerie : celle que nous avions aménagée était un peu étroite pour le camion à certains endroits. Nous avons dû retailler dans la roche pour l’élargir, notamment là où nous avions déjà installé la fibre optique. »
Même en fonctionnant à capacité réduite en raison des contraintes dues à la largeur de la galerie, le camion automatisé de Casa Berardi a réussi à améliorer de 20 % la productivité du transport du minerai et du stérile. « Il a atteint tous nos indicateurs de performance fixés », précise Ronald Durham.
Le camion parcourt en toute autonomie un itinéraire de 1,5 km aménagé sous terre et est jusqu’à sept minutes plus rapide entre les chutes et les lieux de déchargement que ce qu’avait prévu Casa Berardi. « Lorsque nous avions fait les calculs théoriques, nous avions estimé le cycle à environ 18 minutes, détaille le surintendant général des opérations. Avec le camion automatisé, nous sommes descendus à 11 minutes. » Le système intégré AutoMine de Sandvik fait appel à la communication sans fil, à des caméras à bord et à un système de navigation pour commander et surveiller le camion sans conducteur. Au commencement d’une période de travail, l’équipe d’entretien de la mine souterraine se rend au niveau concerné, fait démarrer le camion et automatise la zone en fermant les barrières de sécurité interdisant ainsi l’accès à l’itinéraire parcouru par le véhicule au personnel et aux autres équipements. Puis elle informe les opérateurs comme Sonny Melancon qui se trouvent dans la salle de commande à la surface que le camion peut commencer à rouler sans danger. « Une fois les préparatifs terminés et la zone sécurisée, le camion fait son travail jusqu’à ce que l’opérateur ait fini sa journée », explique Alain Grenier. Confortablement installé dans la salle de commande réalisée à cet effet, Sonny Melancon télécommande les chutes et les marteaux. Il lui arrive rarement d’intervenir sur le véhicule automatisé. « Tout est intuitif. Sandvik a organisé une formation ici pour nous montrer le système. En une semaine, je me débrouillais bien déjà. Il y a une série de boutons sur lesquels on peut appuyer et tout est déjà programmé. Si on veut faire faire quelque chose au camion, il suffit d’appuyer sur un bouton. C’est un système très simple d’utilisation. »
Selon son collègue Steve Bouchard, le système d’auto-diagnostic d’AutoMine permet de gagner du temps quand quelque chose ne va pas. « Dans les rares cas où le camion a un problème, je peux le diagnostiquer moi-même et en informer le mécanicien. Il n’a pas à le faire lui-même et on gagne en productivité. Le camion vous dit en quelque sorte ce qu’il faut faire pour qu’il soit de nouveau opérationnel. » Pour Sonny Melancon, travailler à la surface n’est pas sans importance : « La sécurité prime à mes yeux car j’ai quatre enfants en bas âge. » Casa Berardi a réduit son taux de fréquence des accidents avec arrêt de travail de 50 % depuis la marche vers l’automatisation entamée en 2015. « Ce qui compte le plus à Casa Berardi, c’est que nos salariés rentrent chez eux en bonne santé après chaque journée de travail, constate Alain Grenier. L’automatisation du système de remontée du minerai, les installations de chargement, les équipements d’abattage et maintenant les camions… Cela contribue à améliorer nos statistiques en matière de santé et sécurité même si ce n’est pas la seule raison. Nous traitons de gros volumes de minerai sans déplorer d’accident. Nous sommes plutôt fiers du résultat. » Le transport par camion automatisé a déjà permis à Casa Berardi de réduire sa flotte de camions classiques. La prochaine diminution à venir va encore contribuer aux bons résultats de la mine. Lorsque le premier Sandvik TH540 a commencé à opérer en toute autonomie en décembre 2017, la mine a retiré deux camions œuvrant à un niveau supérieur. La livraison d’un deuxième modèle identique et automatisé est prévue pour novembre 2018.
En deux ans, Alain Grenier espère pouvoir réduire la flotte totale de 13 camions intervenant au-dessus de la galerie de roulage à six seulement. « On prévoit de rouvrir la mine Est d’ici 2020 et on pense ne pas avoir à acquérir de véhicules pour la partie supérieure de la mine. On pourra transférer des camions de la mine Ouest à l’Est. Ce sera très intéressant du point de vue de la main d’œuvre, de la consommation de carburant et des composants mécaniques. Sur un projet de cinq ans, de 2017 à 2022, nous prévoyons des économies de l’ordre de 5,6 millions de dollars CA. » Au cours des huit premiers mois de fonctionnement, le premier Sandvik TH540 automatisé a montré une disponibilité 20 % supérieure pour des coûts d’entretien 30 % inférieurs à la moyenne des camions avec conducteur de la flotte de la mine. « Lorsqu’on a vendu le projet au conseil d’administration, on avait prévu un coût de 3,05 dollars la tonne pour l’entretien du véhicule. Actuellement, ce chiffre est de 2,69 dollars et on pense pouvoir l’abaisser encore avec l’arrivée du deuxième camion et l’augmentation du volume de minerai et de stérile traité.
Sur le plan de la productivité et en fonction de l’emplacement de la chute, il est entre 39 et 50 % plus performant que ce que l’on espérait. On est plus que satisfaits du camion Sandvik à ce jour. » Le directeur général de la mine avoue qu’au terme de 33 ans de carrière passés sur 13 sites miniers, le projet de galerie automatisée lui a demandé, ainsi qu’aux cadres supérieurs de la mine, une certaine évolution : « En temps normal, on adapte les travaux préparatoires au gisement et l’équipement aux travaux préparatoires destinés au gisement. Désormais, on doit faire le contraire. On a 20, 25, 30 ans d’expérience et le paradigme est bien ancré. À partir du moment où on décide d’automatiser son activité, il faut accepter de changer de mentalité. C’est une occasion unique de prolonger la durée d’exploitation de la mine et des parcours professionnels, et aussi d’améliorer les statistiques en matière de santé et sécurité. »
Hecla
Hecla est le plus grand producteur d’argent à l’un des coûts les plus faibles des États-Unis, le troisième producteur de zinc et de plomb des États-Unis et un producteur d’or en plein essor. La compagnie minière exploite des mines en Alaska, dans l’Idaho, au Nevada, au Québec et au Mexique.